Convergence d’intérêt général

Le 2 décembre dernier, nous étions à la Quincaillerie numérique, à Guéret, pour réunir les adhérents des trois réseaux – ALISO, L’ARCHIPEL, TELA- et quelques autres acteur.ice.s sollicité.e.s pour animer et nourrir la démarche. Cette première édition, ce premier jet, initie un premier acte pour mettre en route un travail de culture commune, d’échanges et de réflexions stratégiques, avec l’intention de fédérer autour d’actes au profit de la qualité de vie sur nos territoires. (Retrouvez ici l’émission de radio RPG Marche à l’Ombre, qui rend compte en partie de ce moment) Le bilan global de la journée sera fait en début d’année 2026.

Pour ce premier rendez-vous, on a parlé de « convergence associative ». Pour le prochain, il sera probablement nécessaire de considérer la nécessité d’une convergence au-delà de celle de nos réseaux et au-delà de la sphère associative. En attendant cette date, les lignes qui suivent vous proposent un regard sur ce qui justifie cette préoccupation, et démarche de convergence. En tant que facilitatrice de réseau, qui coordonne aujourd’hui la lettre mensuelle numérique du réseau, j’ai sollicité certain.e.s participant.e.s à la journée pour rendre compte de ce que cela avait pu générer. Christian a répondu à l’appel et s’est solidairement et généreusement prêté au jeu. Il nous offre, ci-dessous, des mots pour tenter de traduire ce qui traverse nos inquiétudes, indignations, et nos échanges en quête de faire valoir la nécessité du soutien au monde associatif dont la légitimité ne nous semble pourtant plus à prouver.

Laure Masson, facilitatrice pour le réseau ALISO

Dans un contexte national de restrictions budgétaires, les associations creusoises sont touchées brutalement par des baisses de subventions mettant à mal leur fonctionnement et donc leur capacité à répondre à leurs missions. De ce constat qui n’épargne personne, que ce soit au niveau des associations de développement local, d’accès aux sports, aux loisirs et à la culture, ou participant à la vie citoyenne et à l’accompagnement social des personnes les plus en difficultés, 3 structures locales (TELA, ALISO, L’ARCHIPEL) ont fait la proposition d’une journée de « convergence » pour questionner « la mutation des modèles associatifs de demain ainsi que de leur financement ».

Une cinquantaine de personnes représentants une vingtaine de structures du département creusois ont pu alors échanger sur les difficultés rencontrées, les valeurs qui sous-tendent le monde associatif et la nécessité d’un financement pérenne de leurs structures. En commençant par quelques rappels factuels et historiques, montrant à la fois l’évolution constante du traitement et des objets du monde associatif depuis le début du XXe siècle, mais également sa réalité physique contemporaine avec plus de 1,3 millions d’associations représentant environ 20 millions d’adhérents et 15 millions de bénévoles. Tout ce beau monde bien hétérogène mais avec un principe commun bien éloigné de l’économie capitaliste, celui de ne pas rechercher à faire du bénéfice ou tout du moins, sans qu’il serve à l’enrichissement de ses membres, le réintroduisant alors dans les actions collectives qui lui sont propres.

C’est à l’aune de ce principe que se discute alors la question de leur fonctionnement et plus particulièrement de leur financement car si une association peut fonctionner par la cotisation des membres qui la composent, elle peut aussi bénéficier d’apport financier au regard de ce qu’elle peut apporter sur une population donnée ou plus globalement sur une mission d’intérêt général. Il est alors question d’une redistribution de l’impôt du contribuable par le biais des organes étatiques, des collectivités locales ou de diverses institutions en lien avec l’objet de l’association et ses bienfaits pour l’intérêt général. Remettre en cause ce financement revient alors à déconsidérer ses actions et pour ne prendre qu’un exemple des plus parlants, que penser de la baisse de 90% de la subvention de l’Etat au titre de l’aide humanitaire de l’association caritative qu’est le Secours populaire de la Creuse ?

La Creuse est un des départements où il existe le plus d’associations par nombre d’habitant-es en corrélation souvent avec la disparition des services publics, une misère sociale grandissante et un isolement des populations sur le territoire. Les associations jouent alors un rôle essentiel de cohésion sociale, de solidarité et de vitalité. Que ce soit l’association sportive et ses bénévoles qui se relaient pour accompagner les enfants lors de matchs le week-end, les événements du comité des fêtes qui animent la vie de sa localité ou plus dernièrement la présence de tiers-lieux, permettant aux personnes de se retrouver, d’échanger et parfois même de travailler tout en bénéficiant des avantages technologiques et de l’accès à la culture. Sans compter les nombreuses associations d’intérêt général ayant directement des missions de service public comme l’APAJH, les chantiers d’insertion ou la Mission locale. Des structures associatives bien loin de celle de l’amicale de quartier ou du club de pétanque, mais qui démontrent à quel point le monde associatif est hétérogène structurellement mais finalement si homogène au niveau des valeurs communes. La première de celles-ci tient dans sa définition même en tant que droit constitutionnel et principe fondamental reconnu par les lois de la République. Vous imaginez bien que ce n’est pas la simple addition de personnes partageant un objectif commun qui justifie d’en faire un droit si inaliénable ! C’est donc autre chose qui définit cette fonction. Certains diront l’intérêt général, d’autres des intérêts particuliers, ou bien la volonté de faire du commun ou tout simplement l’expression d’une forme de citoyenneté. Il n’empêche que cette liberté d’association repose surtout sur l’idée qu’ensemble, c’est toujours mieux, c’est-à-dire un vrai antidote à l’individualisme.

C’est à cet objectif que les personnes présentes ont décidé d’apporter un prolongement lors d’un prochain acte II de cette convergence qui permettra alors de faire entrer dans le débat public la nécessité de soutenir le monde associatif sur notre département et plus largement ailleurs. Il suffit d’imaginer à quel point notre quotidien serait impacté si les associations venaient à disparaître tant elles sont essentielles aujourd’hui à la cohésion sociale, la vitalité économique et un vivre ensemble si malmené depuis quelques temps. Bénévoles, adhérent-es, salarié-es, administrateurs-rices de structures, ou tout simplement bénéficiaires de leurs actions, refusons d’être les variables d’ajustement pour le bénéfice de quelques-un-es au détriment de tous les autres.

Christian Nguyen, administrateur de l’association Creuse Toujours et salarié de la Mission Locale, sollicité par Laure Masson, facilitatrice du réseau Aliso, pour écrire cet article.