Suite à la journée départementale de l’animation de la vie sociale, co-organisée par Aliso et la CAF le 7 décembre 2023, on a voulu laisser une trace pour valoriser vos témoignages. Voici celui d’Hélène, coordinatrice de l’Espace de Vie Sociale des Mille Couleurs.
Dans le cadre de la préparation de ce témoignage, je me suis d’abord demandé ce qu’était la définition du verbe « accueillir » et plus particulièrement de la représentation que j’en avais, de ce que finalement l’accueil était pour moi.
Le dictionnaire Larousse nous donne deux définitions d’accueillir. La première, c’est « être présent, venir pour recevoir quelqu’un ». La deuxième, c’est « admettre quelqu’un au sein d’un groupe, d’une famille, d’une assemblée ». Un synonyme du verbe accueillir c’est recevoir.
J’avoue que je trouve ces définitions un peu courtes. Pour moi, accueillir, c’est beaucoup plus que cela. L’accueil nous implique en tant que personne. On reçoit c’est vrai, et dans tous les sens du terme, mais on donne aussi. On donne de sa personne, on entre en relation, on donne même des choses aussi simples qu’un sourire. L’accueil implique un échange, un partage dans une dynamique bienveillante qui permet à l’autre de se sentir exister.
Alors… on pourrait philosopher pendant des heures sur cette question, mais je vais essayer de témoigner de façon plus concrète de la posture qui est la mienne au sein de l’espace de vie sociale de Brésard.
En prenant mes fonctions au 1er août dernier, et après étude du rapport diagnostique de territoire du QPV, mon premier objectif concernait l’accueil suite à la réouverture du local de Brésard. Une réouverture attendue dans un local modifié par les travaux de réfection et de réaménagement. Selon moi, et dans ce contexte, il fallait commencer par entrer en relation avec les habitants, les passants. Me faire identifier comme référente du local et ensuite établir une relation de confiance avec les habitants pour qu’ils puissent se sentir à l’aise dans leur fréquentation du lieu.
Selon moi, pour établir une relation, il faut montrer de l’intérêt pour les personnes que l’on rencontre, j’ai essayé au maximum de retenir les prénoms des gens, proposé le tutoiement qui pour moi, ajoute à la notion de proximité. Je pense aussi que l’attitude que l’on présente joue un rôle majeur dans cette mise en relation. Il s’agit avant tout de ne pas juger, et de valoriser l’histoire de chaque personne dans une démarche sincère.
Il est vrai que la conception du local et mon arrivée au mois d’août ont joué un rôle certain pour « accrocher » les gens. La terrasse, située au pied des tours du quartier est au centre du lieu de passage le plus important du quartier. Une table et quelques chaises de jardin, une cafetière ont suffi à proposer un temps de première rencontre avec les habitants et à entrer en relation. J’ai rapidement pris un abonnement au journal quotidien local qui permet là aussi de satisfaire les personnes de passage.
Petit à petit, les gens sont revenus, parfois chaque jour, ou de façon plus ponctuelle, avec la curiosité de ce qu’il allait se passer dans le local. Et j’ai pu leur demander ce qu’ils souhaitaient y voir, tout en y intégrant les valeurs de ce que représente un espace de vie sociale.
Chaque jour, les habitants peuvent venir au sein de la structure. Ils ont à disposition du café, du thé, de l’eau et du sirop, des petits gâteaux et le journal. Ils peuvent en bénéficier tout au long de la journée. Il s’agit selon moi d’un accueil informel auquel ils semblent attachés. J’ai donc pris le parti de ne pas proposer un emploi du temps formel trop chargé pour ne pas casser cette dynamique d’accueil. Et cela fonctionne. J’ai pu avoir jusqu’à une quarantaine de personnes sur plusieurs journées. Des gens de passage, pour un café, un renseignement, une compagnie, un temps d’échange, et des gens qui peuvent venir toute la journée pour rompre leur isolement.
Selon ceux qui restent à la journée, le local leur a permis de rencontrer des voisins qu’ils croisaient mais ne connaissaient pas forcément, d’apaiser les conflits et de se faire des amis. Ils sont mieux dans cet espace convivial que seuls chez eux. Pour ces personnes, l’accueil qui leur est proposé leur permet de rompre avec la solitude. Pour d’autres, ceux de passage, c’est un petit temps d’échange, un besoin d’accompagnement dans certaines démarches, des questionnements, le besoin de parler un peu de ses problèmes personnels ou encore un besoin d’orientation vers des partenaires dédiés.
L’idée, c’est aussi que les personnes s’approprient les lieux et en fassent leur local, c’est pour cela que les temps d’accueil doivent rester aussi larges que possible. Des ateliers précis pour certains et qui empêcheraient l’accueil des autres porterait préjudice selon moi à cette appropriation des lieux.
Tout de même, en fonction des demandes et des attentes identifiées, des ateliers et un dispositif d’aide à la scolarité ont commencés sur le temps desquels l’accueil reste ouvert. Il peut y avoir des ateliers réguliers comme du renforcement musculaire avec l’UFOLEP, un atelier sociolinguistique chaque semaine, un atelier socio-esthétique une fois par mois, une activité bien-être deux fois par semaine pour les personnes non sportives, du sport de rue pour les enfants qui n’ont pas d’activités programmées le mercredi après-midi, un atelier RPG chaque mercredi, le café des parents de façon occasionnelle et un atelier jeux de société proposé par une association de quartier les jeudis après-midi. Les jeux de société sont d’ailleurs en libre accès dans le local, et j’ai souvent des joueurs de belotte improvisés.
Il m’a semblé important de participer à chaque atelier proposé au départ, pour coanimer et essayer chaque activité. Puis petit à petit, j’ai laissé la main et la place aux participants de plus en plus nombreux. Et pourtant, je n’ai fait aucune communication officielle des activités proposées. Le bouche à oreille a largement suffit.
Nous avons mis aussi en place un certain nombre de permanences dans le local pour ajouter des services de proximité dans le quartier. Ainsi, nous avons une animatrice emploi de la Communauté d’Agglomération qui vient 2 fois par semaine pour accompagner les personnes souvent très éloignées de l’emploi, la déléguée de la préfète, la mission locale et le conseil citoyen qui assurent des permanences 2 fois par mois. Ces permanences peuvent également amener du monde et permettent au-delà de leurs missions de faire connaitre le local aux habitants du QPV.
Chaque jour, nous avons du monde. Certains usagers expriment le souhait de s’engager davantage dans les missions d’accueil du local. Nous projetons de créer une association de quartier afin de leur donner un statut officiel et de les valoriser dans leur démarche d’engagement. Une démarche participative et spontanée s’est étendue à une bonne partie des usagers qui, d’eux-mêmes, participent au rachat de café, de sucre, de gâteaux, qui préparent des tartes ou autre pour la collectivité.
Après ce discours, on pourrait penser que tout est beau, mais nous rencontrons tout de même un certain nombre de difficultés. En effet, d’abord, cet accès libre au local ne convient pas à tout le monde puisqu’il peut engendrer par moment des nuisances sonores. L’aménagement de la terrasse à l’extérieur peut occasionner des présences de personnes jusque tard le soir au pied des tours. Une sensibilisation sur le sujet du respect du voisinage est donc engagée.
Des problématiques d’addictions, surtout à l’alcool reviennent régulièrement aux alentours de l’EVS. Bien que le règlement intérieur du local spécifie que son accès n’est pas autorisé en cas d’alcoolémie, il est difficile de juger de l’état d’ébriété d’un individu. Ils sont parfois déjà rentrés dans le local lorsque nous constatons qu’il faut faire sortir les personnes. Là aussi c’est délicat. On peut constater que sur un groupe identifié, une seule personne présente des troubles d’ébriété importants alors que les autres non… Malheureusement, il faut rester conscient que l’image de l’EVS peut aussi pâtir des personnes qui le fréquentent.
De nouveaux conflits, entre les usagers qui fréquentent le local peuvent aussi apparaitre. Ainsi, des personnes qui venaient au départ régulièrement ne viennent plus aussi souvent pour éviter d’autres usagers. Il y a parfois un travail de médiation à mener. Malgré tout, les ateliers mis en place permettent quand même de fédérer au-delà des conflits interpersonnels et de faire du lien. La dimension du « vivre ensemble » prend plus de sens pour les gens au cours de temps plus formels.
Pour finir, je dirais que l’accueil est le cœur de l’Espace de Vie sociale. C’est lui qui lui permet d’exister et qui permet aux gens de s’y sentir bien et d’avoir envie d’y revenir. La relation qui s’installe est une relation de confiance, de respect, et d’écoute partagée… Je suis convaincue que le lien se crée grâce à l’accueil et au temps que l’on accorde aux gens qui se présentent à nous.