Retour du Forum Mondial de l’ESS

Tous ensemble dans une impasse ?

Raphaël Vernat, directeur d’ALISO, nous rapporte son expérience du GSEF Bordeaux 2025.

Une partie de l’équipe salariale (Christelle, Pascal et Raphaël), accompagnée de Marine, administratrice et Vice-présidente d’ALISO, ont participé au Forum Mondial de l’ESS du 29 au 31 octobre 2025 qui se tenait à Bordeaux. (GSEF Bordeaux 2025)

Evènement phare de l’ESS, c’est environ 10.000 personnes de 100 nations différentes qui se sont mobilisées pour servir la cause de l’ESS : près de 170 tables rondes, des dizaines de plénières, un village de structures ESS, 3 sites dont un dédié à l’ESS et la Jeunesse, des technicien.nes, des élu.es de tous les continents, des bénévoles. Bref, pour la première fois, cet évènement était accueilli en France et ce fût une belle fête !

Mais, il y a un « mais ». Si nous sommes heureux d’avoir vécu ce moment, sans parler de l’organisation globalement très réussie, une part de nous revient avec une frustration de ce « sommet de l’ESS », comme l’a nommé Benoit Hamon, président d’ESS France et « guest star » du forum.

Une frustration, d’une part, causée par l’enchainement des tables rondes et des plénières sans pour autant pouvoir créer réellement de débat entre intervenant.es et participant.es.

D’autre part, dans le fait « d’être en nombre », au même endroit, au même moment sans « utiliser » cette force. En effet, être 10.000 personnes de toute la planète pour se retrouver et témoigner d’expériences pleines d’espoir mais avec des constats alarmants voire d’impuissances sur l’avenir de l’ESS est, pour ma part, un énorme gâchis. Nous aurions pu utiliser cette force pour nous mobiliser et essayer de changer un futur qui apparait comme sombre à bien des endroits.

Car, oui, ne nous cachons pas derrière l’ivresse des rencontres, d’échanges forts intéressants, certes, ou la qualité des intervenant.es venu.es de toute la planète. Le constat sur l’ESS est celui que l’on connaît… Voire pire ! Les acteurices politiques majeurs de l’ESS français, européens et mondiaux constatent une dégradation des structures de l’ESS et de leurs soutiens de manière significative ces dernières années.

Nous aurions pu profiter de ce moment et des personnes présentes pour travailler sur un « plan d’attaque », une stratégie mondiale pour affirmer notre économie comme une économie créatrice de richesses (financière, humaine, écologique etc.), protectrice et bienveillante pour le plus grand nombre de personnes sur notre terre.

Malheureusement le climat ambiant, en France, dans beaucoup de pays en Europe, aux USA mais aussi dans une multitude de pays à travers le monde, les guerres, « l’extrême – droitisation » des politiques couplées avec l’ultra-libéralisation de nos sociétés, font que nous pouvons nous poser la question suivante : est-ce qu’au-delà de l’aspect purement économique (productivité / rentabilité / qualité), l’ESS ne serait-elle pas un levier politique ? S’agirait-il d’une « économie politique », qui aujourd’hui permettrait de maintenir une forme de lutte de classes pour ne pas perdre la main sur nos valeurs, nos territoires, nos activités, nos richesses et tout simplement nos vies face aux « faiseurs » de l’économie capitalistes ?  

L’économie sociale et solidaire est, pour beaucoup d’entre nous, l’économie qui devrait être dominante et replacer la solidarité, le partage et le faire ensemble au cœur de notre société… Elle pourrait être un appui pour faire face à l’économie capitaliste qui, elle, franchit encore une étape, notamment en alliant certains puissants Etats, les géants de la tech et les principaux acteurs de celle-ci. Aujourd’hui, cette économie capitaliste détruit et menace toujours davantage les démocraties, le bien-être des hommes et des femmes et les liens sociaux.

De plus, un constat peut paraitre anodin, mais illustre peut-être ces propos : aucune couverture médiatique du forum (ou si peu) n’a été faite par des médias de masse. Libération, partenaire principal du forum, n’a toujours pas publié d’article « premium » sur le sujet. Aucun média de masse type TF1, Canal+, M6 etc. (groupes appartenant à des acteurs majeurs de l’économie capitaliste) ni France télévision n’ont eu l’envie de s’intéresser à notre économie. Ce sont essentiellement des médias indépendants, militants ou des médias locaux qui étaient présents (Big up à Télémillevaches avec qui nous avons partagé de bons moments malgré les ronflements 😉).
Enfin, pas ou peu de « politicien.nes » français.es étaient présent.es à part celles et ceux mobilisés dans l’exercice de leur fonction.

Comment pouvons-nous montrer l’utilité de l’ESS aux yeux de toustes ? Comment rappeler qu’elle permet d’employer énormément de monde en France, qu’elle fait vivre nos campagnes, nos quartiers mais aussi qu’elle permet la survie de milliers de personnes dans des régions sinistrées, en guerre ou « pauvres » partout sur la planète, qu’elle est créatrice de développement et de richesses pour les femmes et les hommes qui agissent collectivement quand on est invisible ?

Pour conclure, il est important de se soutenir, de garder notre dynamisme, d’être convaincu par ce que nous faisons, quelque soit notre niveau d’action ou notre activité.  Mais il est tout aussi important, (et cela dans la perspective des échéances électorales à venir), de se questionner sur comment nous voulons agir et jusqu’où nous sommes prêts à aller pour préserver nos actions et nos structures. Pour cela, je vous invite à nous rejoindre le 2 décembre 2025 à la Quincaillerie Numérique à Guéret pour se questionner notamment sur l’avenir du milieu associatif sur notre territoire.
R.V – 5.11.2025