Les acteurs de l’ESS ont-ils des outils numériques à leur image ?

La dernière enquête Solidatech/Recherches et Solidarités “Place du numérique dans le projet associatif en 2022” souligne la mobilisation d’outils numériques par un nombre croissant d’associations, en premier lieu pour communiquer et se donner de la visibilité (74%), mais aussi, et de plus en plus, pour faire circuler l’information et animer en interne (70%), ainsi que pour la gestion de l’association (63%).

Face à cela, les hébergeurs alternatif s’engagent, à travers le projet EmancipAsso, à développer une offre de services pour accompagner les associations dans leur transition numérique éthique, mouvement initié notamment par Framasoft et Animafac.

On pourrait s’attendre à ce que les acteurs de l’ESS* mobilisent les outils numériques qui ont une attention particulière aux valeurs de démocratie et de coopération promues par ce secteur. Qu’en est-il vraiment ?

L’atelier regroupant acteurs associatifs Creusois, collectivités et Réseau ressources DLA, lors de la journée Dynamiques ESS en Creuse, a permis de faire un point sur cette question, et d’en retirer les axes de travail qui permettraient d’avancer.

“L’atelier a permis de se rassurer sur une forme d’ignorance partagée” constate Stephanie Maupilé (Opale centre ressources DLA Culture). Derrière “la très grande hétérogénéité des outils mobilisés”, ce premier partage “a souligné que nous n’étions majoritairement pas des utilisateurs éclairés, voire que nous vivions une forme d’addictions aux outils”. En conclusion, “Avoir des usages numériques qui nourrissent la vie démocratique et les valeurs de coopération défendues par l’ESS n’est ni une question posée, ni une évidence.”


Face à ce constat, qui ressemble à une montagne, les participants ont quand même lancé des pistes de travail, qui concernent à la fois des dimensions internes aux structures et des dimensions plus collectives, car les clés se trouvent sans doute à l’échelle plus large, territoriale ou sectorielle (réseaux, fédérations, unions).

A cette échelle plus large, un enjeu fort est de Développer et promouvoir une Offre sécurisée qui relève des valeurs de l’ESS, qui permette la mutualisation d’équipements et d’outils numériques. S’ajoute l’enjeu d’accompagnement des structures à raisonner les outils à partir de leur stratégie et des usages, sans aller dans des dérives technicistes car les usages sont souvent assez simples. Et doivent le rester, pour éviter les risques de perte de maîtrise. Pour Bori Ungell, (Solidatech centre ressources DLA Numerique), “il faut faire attention au risque d’exclusion numérique et de surcharge d’information”.


En interne, le point de départ consiste à y voir clair dans les outils et les pratiques d’une structure, qui relèvent souvent d’un empilement d’initiatives plus ou moins raisonnées au fil des années. Quand on arrive à 3 clouds existants pour une asso de 3 à 4 salariés, il est temps de faire un point !

  • Cartographier les outils et pratiques existantes, analyser leur adaptation à l’organisation (cf exemple ci contre, issu d’un groupe de travail Collectif sur les usages numériques) et au projet associatif
  • Identifier une fonction support (pas une seule personne, une fonction partagée) et des référents aux outils
  • Se former et se faire accompagner d’abord en ergonomie du travail, en organisation, avant l’outil technique en lui-même.

En conclusion, deux conditions, internes et externes, sont identifiées par Stephanie Maupilé :

  • une compréhension collective qui permettent d’interpréter les risques associés aux outils existants et d’effectuer en commun des choix éclairés
  • l’accompagnement par un tiers, soutenu par un financement. Se doter d’une culture commune et d’usage adaptés nécessitent du temps et des moyens que les structures de l’ESS ne peuvent assumer seules. C’est à cet endroit que la puissance publique trouve sa place dans le soutien à la création et au maintien d’un appui et d’une offre sécurisée dans ses contenus et sa durabilité.”